PAROLES D’ARGENT 98
EDITO
Toute l’équipe de Finances & Pédagogie vous souhaite une très bonne année 2019. Celle-ci s’annonce passionnante.
Rarement la question du rapport des Français à l’argent a semblé aussi importante, à l’heure de transformations sociétales majeures : digitalisation, mobilités professionnelles, consommation et pouvoir d’achat, lutte contre la pauvreté, etc.
Logiquement, les pouvoirs publics soutiennent de plus en plus cet enjeu éducatif. Sans maîtrise des questions d’argent, il est difficile de réussir les moments clés d’une vie.
L’éducation financière a pu parfois souffrir d’un déficit d’image : trop aride, exigeante. C’est au contraire une approche débordante de vie, d’exemples concrets et de solutions pratiques que les conseillers de Finances & Pédagogie portent sur tout le territoire avec enthousiasme.
En 2018, nous avons formé plus de 40 000 stagiaires afin que leurs parcours de vie s’articulent positivement avec les questions d’argent.
L’association a d’ailleurs récemment organisé une conférence à Bordeaux sur le croisement constant entre les histoires de vie et les histoires d’argent que ce numéro vous propose de découvrir.
Rendez-vous en 2019 !
Patrice Cros, Directeur
En chiffre
36 millions
des Français ont déjà effectué un achat sur Internet.
A la une
INNOVER POUR APPRENDRE, APPRENDRE POUR INNOVER
Pour beaucoup, parler d’argent n’a rien de naturel ni de facile. Les correspondants de F&P ont pour mission d’aborder ces questions auprès des partenaires de l’association et de leurs bénéficiaires. Ils ont ainsi acquis une expertise reconnue dans l’animation d’ateliers d’éducation financière. Pour se mettre en phase avec les évolutions sociétales, qu’il s’agisse du rapport à l’argent, aux nouveaux moyens de paiement, ou des nouvelles modalités d’apprentissage et d’enseignement, la capacité à innover est essentielle.
La transformation de nos habitudes de consommation se trouve amplifiée par les développements technologiques de ces dernières années. Du côté des nouveaux usages en matière d’argent, les consommateurs montrent en particulier de l’intérêt, voire un réel engouement pour les solutions de paiement dématérialisé. L’impact du digital se traduit aussi par un besoin accru d’informations.
L’engouement pour la nouveauté
Avec le paiement sans contact, une nouvelle étape de la dématérialisation est franchie ; la carte bleue devient virtuelle. Les paiements entre particuliers, par virements immédiats, deviennent aussi simples que des échanges d’argent liquide. De son côté, l’e-commerce ne cesse de se développer : 36 millions de Français ont déjà effectué au moins un achat sur internet, pour un montant moyen de 2 000 euros. Ils sont toujours plus nombreux à utiliser des cagnottes « numériques » pour le financement de projets communs. Mais surtout, avec le développement de plateformes de services (qui, comme Uber, Airbnb, Blablacar, mettent en contact fournisseurs et utilisateurs), les consommateurs ouvrent des comptes numériques (avec leurs coordonnées bancaires) sur lesquels sont débités leurs achats de services. Plus besoin de donner d’ordre de virement à chaque achat. Les avancées technologiques permettent également le développement de nouveaux supports de paiement (par exemple, les bracelets électroniques dans les festivals).
Or toutes ces transformations digitales au sein de la banque méritent d’être accompagnées, comme le rappelait Alexandre Daoust, digital champion de la Caisse d’Epargne Aquitaine Poitou-Charentes.
Nouveaux moyens de paiement, nouveaux risques
Si ces nouvelles solutions sont aussi sécurisées que les moyens de paiement « classiques », il est parfois difficile de maîtriser ce que l’on dépense puisqu’il n’y a plus de matérialisation des achats, ni de trace de l’argent dépensé. Des applications ont donc été développées pour les smartphones ou les ordinateurs, dans lesquels les dépenses sont décomptées en temps réel. Et dans ce domaine comme dans d’autres, l’accompagnement à l’innovation et à la prévention des risques reste de mise.
Les outils numériques vont prendre une place plus importante dans la formation et l’acquisition des connaissances.
La dématérialisation de la relation à l’argent (disparition du liquide, banque à distance, etc.) peut fragiliser encore plus les publics vulnérables. D’autant que ces personnes rencontrent davantage de difficultés pour accéder aux informations et qu’elles peuvent de surcroît éprouver un manque d’aisance, voire une réticence dans l’utilisation du numérique. Or, ces innovations font aujourd’hui partie de notre vie quotidienne et il faut aider le plus grand nombre à s’y adapter. Elles bouleversent aussi les modes d’enseignement et transforment radicalement les façons de « consommer » de la formation.
Innover pour mieux transmettre
Sous l’effet des nouvelles technologies, la pédagogie évolue : on assiste à l’explosion du nombre de tutoriels sur internet, de MOOC (des cours en ligne), de sites pédagogiques, etc. Les nouveaux modes d’apprentissage (collaboratif, en classe inversée, blended learning, etc.) transforment les façons de faire, d’appréhender les publics, d’enseigner. L’avalanche d’informations disponibles sur internet, qui ne sont ni toujours vérifiées ni triées, ne rime pas forcément avec clarté ni avec compréhension par tous. Si les outils numériques sont appelés à prendre une place de plus en plus importante dans la formation et l’acquisition des connaissances, le rôle de l’enseignant ou du formateur demeure essentiel pour susciter l’attention, provoquer la prise de conscience et encourager le passage à l’action, d’autant que l’argent n’est pas d’emblée un sujet attractif ! Il est même difficile à aborder, que ce soit en famille ou en entreprise, y compris pour les professionnels.
« Pourtant, une fois l’étonnement passé, ce sujet est passionnant parce que cela revient à parler de soi, rapporte Véronique Espaignet, conseillère F&P Aquitaine Poitou Charentes. Depuis 60 ans, c’est la mission de F&P que de susciter cette parole, de faire parler les stagiaires pour comprendre leur relation à l’argent, à la banque, à l’épargne, voire à la transmission de leur patrimoine, pour se projeter. »
ZOOM SUR « IL EST TEMPS DE SENSIBILISER À LA GESTION BUDGÉTAIRE »
QUESTIONS À BENOÎT MÉNARD, directeur adjoint d’Ifria
Comment s’est développé votre partenariat avec F&P ?
Depuis plusieurs années, Véronique Espaignet intervient auprès des apprentis inscrits à l’Ifria. Nous partions du constat que ces jeunes en bac professionnel, touchent alors leur premier salaire et voient leurs revenus passer de 0 à 500 euros, voire plus. Ce qui peut être déstabilisant lorsque l’on n’a aucune notion de gestion budgétaire. 600 apprentis ont ainsi été formés à la gestion du budget, aux crédits, aux assurances, etc. Tous apprécient cette formation. Nous avons souhaité l’étendre aux jeunes en BTS et aux ingénieurs car nous nous sommes aperçus que les lacunes des apprentis en matière de budget se retrouvaient chez tous les jeunes, même les plus favorisés, preuve s’il en est que l’on ne parle pas facilement d’argent dans les familles. Cette formation nous a donc semblé profitable à tous.
Comment envisagez-vous de l’étendre ?
L’Ifria forme des salariés d’entreprise dans le cadre de la formation continue, mais également de futurs collaborateurs. Les modules d’intégration des nouveaux arrivants comprennent des apprentissages sur les compétences techniques, mais aussi des modules transversaux, sur la communication par exemple. Nous avons donc imaginé, avec la correspondante de F&P, un nouveau module « gestion du budget ». L’idée est bien d’accompagner les futurs collaborateurs à la gestion d’une entreprise en partant du postulat que la gestion du budget personnel n’est pas si éloignée de celle d’une entreprise. Ces modules ont séduit les entreprises partenaires au point qu’elles imaginent les proposer à l’ensemble de leurs salariés. Avec les nouvelles technologies et la part que prennent les achats numériques dans le budget, nous avons souhaité aborder cette question dans la formation ; les jeunes n’ont pas 50 euros pour les repas de la semaine, mais trouvent 800 euros pour s’acheter un nouveau smartphone. À l’heure où l’on parle tant de pouvoir d’achat, il est temps de les sensibiliser à la gestion budgétaire.
ARRET METIER : PARLER DE SOI, PARLER D’ARGENT
À l’occasion des rencontres nationales des conseillers F&P à Bordeaux, Véronique Espaignet, conseillère F&P Aquitaine Poitou Charentes, a décidé d’expérimenter une conférence croisant les regards d’intervenants venant d’horizons différents. Les témoignages, très divers, se caractérisaient par un format court et un ton spontané. Alors, quels constats partagés après ces moments de vie qui sont autant d’histoires d’argent ? Essai réussi pour cette innovation pédagogique.
Innover pour retenir l’attention
« Nous vivons dans un monde technologique où on observe un véritable attrait pour la nouveauté. Alors pourquoi ne pas innover dans notre manière de transmettre ? », s’interroge Véronique Espaignet. Partant du constat que la concentration du public est plus limitée, l’idée est d’adapter le format des interventions pour éviter de perdre des auditeurs en route. L’idée fait son chemin au moment même où la correspondante de F&P fait « de belles rencontres » et noue des contacts privilégiés avec certains partenaires ou personnes formées. « Il y a une universalité de l’argent. En général, il est considéré comme sale, mais ces partenaires en font un objet normal de la vie. » Elle leur propose d’intervenir lors d’une conférence de format TED organisée par F&P au sein de la Caisse d’Epargne sur le thème : « Moments de vie, histoires d’argent ».
« De belles rencontres »
Les quatre intervenants, qui ont tous été rencontrés à l’occasion d’ateliers de F&P ont accepté de partager leur parcours de vie et leur expérience de l’argent. Pour le premier intervenant, PDG d’une entreprise spécialisée dans le développement de drones civils, l’argent était une finalité, un gage de réussite et de reconnaissance. Puis s’est imposée une autre vision de l’entreprise, pensée sur le long terme et dans laquelle un certain nombre de règles doivent s’imposer comme une évidence, le principe de vertu notamment. Son souhait : que le monde financier s’engage encore davantage à soutenir les projets de long terme. Cet étudiant d’une grande école a su aborder avec finesse et humour son expérience lorsque, suite à la préparation de son entrée au séminaire, il est passé d’une carte gold à une carte électron ! Une modification brutale de sa relation à la banque dont il a pu mesurer l’impact pour tous ceux qui sortent à un moment donné des schémas habituels. Autre témoignage, ce volontaire en service civique a choisi de monter une association d’insertion des jeunes, pour les aider à découvrir les métiers et la vie professionnelle (voir « notre partenaire »). Le dernier intervenant, réfugié yéménite, s’est fait traducteur dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada) et guide touristique. Rencontré alors qu’il assurait la traduction d’un atelier de F&P sur la banque en France, son rôle de passeur culturel s’est avéré essentiel. Tout au long de cette conférence, Véronique a choisi de laisser ces personnes s’exprimer sur leur vie. « L’argent est ancré au plus profond de nos vies. Parler d’argent, c’est parler de soi. Lorsque les gens parlent de leur carte bleue, ils parlent de leurs achats et, donc, de leur consommation et, donc, de leur vie en creux. Ne parler que de questions techniques fait peur aux gens, ils craignent de ne pas suivre, alors qu’ils viennent volontiers s’il s’agit de parler d’eux et de leur expérience. »
« L’argent est ancré au plus profond de nos vies. Parler d’argent, c’est parler de soi. »
Notre partenaire
MOHAMMED AJOULOU RAHMOUNI, CITIZSCHOOL
Comment avez-vous rencontré F&P ?
J’ai grandi au Maroc, dans un quartier défavorisé. J’ai suivi mes études en France et obtenu un master en mathématiques appliquées (cryptologie). J’aurais fait carrière dans ce domaine mais
la situation de nombreux jeunes contraints de s’engager dans une voie professionnelle qu’ils n’ont pas choisie, sans avoir eu l’opportunité de découvrir leur vocation, me tracassait. J’ai décidé de lancer un projet d’entrepreneuriat social pour permettre à ces jeunes de découvrir les métiers et la vie professionnelle. Pour le développer, je me suis engagé en service civique avec Uni-Cités. C’est à l’occasion d’un atelier proposé aux volontaires et animé par Véronique Espaignet que j’ai découvert la pédagogie financière et l’importance de ces questions. Aujourd’hui, je dirige l’association « Soyons le changement » qui porte le programme CitiZschool. Plus d’une centaine de jeunes ont suivi ce programme sur Bordeaux. Depuis, nous avons ouvert une antenne sur Poitiers et prévoyons d’essaimer davantage.
En quoi consiste ce programme ?
Le programme CitiZschool a pour ambition de démocratiser l’accès au champ des possibles. Il s’étend sur six mois et suit deux axes : permettre aux jeunes d’expérimenter des métiers, auprès de professionnels passionnés, dans une vingtaine de domaines différents ; travailler sur leur confiance en eux, dans une approche de développement personnel, de savoir être en milieu professionnel. La première session visait des collégiens (3e) et des lycéens, dont certains identifiés comme décrocheurs. Des partenariats sont d’ailleurs à développer avec les missions locales ou les écoles de la 2e chance.
Qu’avez-vous retenu de votre atelier avec F&P ?
C’était mon atelier coup de coeur ! On ne s’y attend pas étant donné le sujet. Mais F&P a développé une pédagogie active ; la conseillère nous parle de la banque comme nous ne l’avions jamais appréhendée. Nous ne sommes pas sensibilisés à la banque alors qu’on en a tout le temps besoin ! Cet atelier permet de rééquilibrer la relation bancaire. Il m’a donc paru essentiel de proposer cet atelier aux jeunes pour leur inculquer ces valeurs, faire travailler leur esprit critique, leur fournir les informations nécessaires.
Actualités
35e édition du concours Apprendre la Bourse ! Le succès garanti
Lors de l’édition 2018-2019, 33 000 équipes (25 000 équipes d’élèves et 8 000 équipes d’étudiants) et plus de 100 000 participants ont expérimenté, dans des conditions réelles, la gestion d’un portefeuille (fictif) de titres. Sur deux mois et demi, ce sont plus de 180 000 ordres qui ont été passés. Dans un contexte perturbé, des valeurs comme Amazon, Wirecard ou Apple se sont révélées les plus performantes.
Cela fait d’Apprendre la Bourse le programme d’éducation financière sur l’apprentissage de la Bourse le plus important en Europe. Outre l’Allemagne, pays fondateur du concours, Apprendre la Bourse réunit des participants du Luxembourg, de France, d’Italie et de Suède. Quelques équipes de Russie et du Mexique et, pour la première fois cette année, de Côte d’Ivoire ont rejoint la compétition.
Les lauréats français viennent d’être désignés parmi les centaines d’équipes concourant cette année dans 8 régions : pour la catégorie élèves, l’équipe des « Watchachapanpan » du lycée Montalembert à Doullens dans l’Oise et, pour les étudiants, l’équipe des « GPR2 » de l’université Paris I Panthéon Sorbonne.
Le rapport annuel F&P est sorti
Titré « l’éducation financière au coeur des enjeux de demain ! », le rapport d’activité de F&P 2017 rapporte que près de 41 000 personnes ont été formées par l’association en 2017, un chiffre en augmentation. Ce sont les structures du secteur de l’économie sociale et solidaire, et leurs bénéficiaires, qui ont été les premiers concernés. Le rapport revient sur les faits marquants de l’association et sur les actions emblématiques menées en région.
Première réunion du club utilisateurs Intervenants sociaux
Le Club, auquel participe F&P, s’est réuni pour la première fois le 27 septembre dernier, à l’initiative de la Banque de France. Ce club a pour objectif de recenser les besoins complémentaires, les idées, les suggestions, les évènements en lien avec les sujets d’éducation financière. Il a aussi pour vocation de partager et de faire connaître les bonnes pratiques et les ressources disponibles, qui pourront être testées.
Nouveau module ESS
F&P développe un nouveau thème de formation pour répondre aux besoins qui émergent dans le secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS). Deux cibles sont particulièrement concernées :
les entrepreneurs sociaux et les bénévoles associatifs.
Conférence sur la lutte contre l’illettrisme à Montpellier
Le 12 septembre dernier, la Banque de France organisait une conférence à Montpellier à destination des travailleurs sociaux du territoire. Le thème : la lutte contre l’illettrisme. Patrice Cros, directeur de F&P, intervenait sur l’illettrisme financier et économique. Lors des ateliers, Carmen Lazaro, correspondante régionale de F&P sur l’Occitanie a présenté les outils pédagogiques de l’association, notamment les vignettes et le jeu du budget.
Nouvel épisode de L’argent dans tous ses états
Un nouvel épisode de la mini-série vidéo « L’argent dans tous ses états » vient de sortir : « L’argent ne fait pas le bonheur ». Rappelons les thèmes des épisodes précédents : « En avoir pour son argent » « Jeter l’argent par les fenêtres », « Être près de ses sous », « Il n’y a pas que l’argent dans la vie ».
Retrouvez la mini-série sur finances-pedagogie.fr
Cette lettre d’information est élaborée grâce au soutien des Caisses d’Epargne
Association soutenue par les Caisses d’Epargne. 5, rue Masseran 75007 Paris. Tél. 01 58 40 43 68. www.finances-pedagogie.fr
Directrice de la publication : Florence Raineix. Directeur de la rédaction : Patrice Cros. Rédaction et réalisation : La Pirogue (lapirogueparis.wordpress.com).
Illustration : Rachid Maraï. Ont collaboré à ce document : Marie-Véronique Bryon, Véronique Espaignet (F&P).
Remerciements : Benoît Ménard (Ifria), Mohammed Ajoulou Rahmouni (Citizschool). Flashage et impression : Imprimerie SB Graphic. ISSN 0981 9169.
Dépôt légal : décembre 2018. Retrouvez-nous sur twitter : @Fin_Pedagogie