PAROLES D’ARGENT 96
EDITO
Le 24 mai prochain, Finances & Pédagogie organise la première cérémonie de remise des trophées de l’éducation financière. Les 10 lauréats mis à l’honneur sont des acteurs de proximité, associatifs, publics ou privés, qui ont su développer des actions de pédagogie financière innovantes et efficaces au plus près des attentes de leurs publics. Cette manifestation illustre la richesse de ce qui peut être entrepris pour amener chacun à mieux maîtriser les questions d’argent.
La diversité est l’essence même du métier de conseiller Finances & Pédagogie avec l’objectif de s’adapter avec agilité aux besoins de publics variés. Chaque semaine ce défi est à relever avec des groupes très divers: étudiants, jeunes en insertion, futurs entrepreneurs, publics en difficulté, professionnels de l’accompagnement ou bénévoles…
L’exercice est exigeant. Savoir parler d’argent implique de varier les approches pédagogiques, les thèmes et de traiter de sujets émergents dans nos sociétés modernes.
Dans cet état d’esprit, F&P s’est associée à une dizaine de partenaires pour réaliser et lancer une nouvelle appli de diagnostic « PiloteBudget ». Un pas positif qui participe de l’impératif d’innovation aux services de nos publics
Patrice Cros, Directeur
En chiffre
10 Md€
sont épargnés sur des produits solidaires.
Source : Finansol, 2018.
A la une
La finance solidaire: donner du sens à son épargne
Depuis plusieurs années, la finance solidaire a le vent en poupe, boostée par une prise de conscience sociale et environnementale des épargnants, et par la dynamique de produits dont le rendement n’a rien d’anecdotique. Elle permet surtout à des entreprises d’économie sociale et solidaire de créer de l’emploi, de reloger des foyers modestes, de soutenir des projets à forte utilité sociale et/ou environnementale.
FINANCER LA SOLIDARITE
Née dans les années 1980 de la rencontre entre l’économie sociale et solidaire, des acteurs publics et le monde bancaire, la finance solidaire s’est donnée pour mission de soutenir financièrement des projets à forte utilité sociale: insertion professionnelle de personnes éloignées de l’emploi, agriculture biologique, commerce équitable, accompagnement des situations de handicap, projets écologiques ou innovants, etc. Or, ces activités accèdent difficilement aux produits bancaires conventionnels: le but non lucratif des entreprises solidaires ne facilite pas la lisibilité de leur modèle économique par un financeur ordinaire. En outre, les produits solidaires ne sont pas distribués sous forme de prêts classiques, mais plutôt en apport en fonds propres, en avance sur trésorerie, etc.
Pourtant, en 2016, ces investissements ont permis de créer ou de consolider 49000 emplois, de reloger 5500 personnes aux revenus modestes, d’approvisionner 20000 foyers en énergie renouvelable et d’appuyer une centaine de projets dans des pays en voie de développement. On le voit, l’épargne solidaire permet de donner une dimension éthique à ses placements, de garantir l’équilibre entre utilité et rentabilité. Depuis 1997, c’est l’association Finansol qui attribue le label « solidaire » à des produits d’épargne.
COMMENT CA MARCHE ?
En 2016, l’épargne solidaire s’est maintenue à un haut niveau, avec près de 10 milliards d’encours, dont 1,3 milliard a été collecté cette année. Si elle ne représente aujourd’hui que 0,2 % du patrimoine financier des Français, ses fonds ont augmenté de 15 % en un an. La finance solidaire recouvre des produits bancaires souscrits par des particuliers, l’épargne salariale (fonds communs de placement souscrits dans le cadre d’un plan d’épargne entreprise ou d’un plan d’épargne retraite collectif, abondé par ’intéressement ou la participation des salariés) et l’épargne collectée par des entreprises solidaires. Les particuliers ont ainsi déposé 3,06 milliards d’euros (+8,5 % en 2016) sur des produits proposés par les banques et les compagnies d’assurances: livrets, assurance-vie, fonds communs de placement, Sicav, etc. Il peut s’agir de produits de partage (une partie des intérêts reçus par les épargnants est convertie en don à une association de leur choix, soit 5 millions en 2016) ou de produits d’investissement solidaire (tel le FCP Insertion emploi dynamique de Mirova, cf. zoom). 6,2 milliards d’euros proviennent de l’épargne salariale, véritable moteur de la finance solidaire.
La finance solidaire a pour objectif de soutenir des projets à forte utilité sociale.
L’EMPLOI EN FRANCE, UNE PRIORITE
La dernière part de la collecte solidaire (500 millions) est investie directement dans des structures solidaires: des associations telles Habitat et Humanisme, la Société d’investissement France Active (SIFA), des sociétés coopératives de capital-risque ou financières, des clubs d’investisseurs tels les Cigales, etc., qui investissent à leur tour dans des projets à vocation sociale ou environnementale, portés par des structures de l’ESS. 280 millions ont ainsi été redistribués dont une large part dans des structures d’insertion par l’activité économique, pour permettre le retour à l’emploi des personnes qui en sont le plus éloignées. Mais le soutien à l’emploi peut intervenir d’une autre manière: en privilégiant les entreprises qui créent des postes ou les maintiennent. Il en est ainsi du FCP géré par Mirova. D’autres fonds ont fait le choix de soutenir des secteurs non délocalisables (dépendance, santé, etc.).
La finance solidaire permet donc de s’engager en plaçant son argent dans des projets utiles à la collectivité, qui viennent en aide aux plus démunies et/ ou préservent durablement la planète. Elle donne ainsi un supplément d’âme à l’épargne.
APPRENDRE L’ESS
Les acteurs de l’économie sociale et solidaire font partie des partenaires de F&P. L’association forme les salariés et personnels relais de ces entreprises (voir p. 3). F&P propose également aux jeunes publics de découvrir ce secteur économique; ils se montrent très intéressés par les grands principes de l’ESS et souhaitent mieux appréhender la diversité des structures qui s’y rattachent: entreprises d’insertion, associations, start-up… Ainsi, Véronique Berruyer, correspondante F&P en Côte d’Azur, sensibilise-t-elle ces futurs professionnels à cette nouvelle façon d’entreprendre qui lie performance et utilité sociale.
ZOOM SUR « L’objectif de notre FCP est d’avoir un impact social et environnemental tout en étant performant »
Questions à Fabien Leonhardt, gestionnaire du FCP Insertion Emplois Dynamique de Mirova
Lancé en 1994 en partenariat avec la Caisse des dépôts et France Active et géré aujourd’hui par Mirova, Insertion Emplois Dynamique est le plus vieux fonds solidaire français. Il gère 500 millions d’euros, soit la moitié des fonds dits « ouverts » ou 90/10. Ces fonds, ouverts à tout type d’investisseurs (particuliers, institutionnels, salariés par le biais de l’épargne salariale, etc.), doivent être constitués à 90 % de produits liquides (actions, obligations émises par des sociétés cotées) et de 5 à 10 % de produits solidaires. Cette fourchette est imposée par l‘AMF.
« L’objectif de notre fonds est d’avoir un impact social et environnemental tout en étant performant. Si, à l’origine, l’épargne solidaire a souffert du préjugé de ne pas être rentable, ce n’est plus le cas. Il y a une très forte demande des clients pour ce type d’épargne qui touche leur corde sensible.
90 % du fonds est donc constitué d’actions de sociétés cotées. Nous leur appliquons les critères les plus durs du marché en termes d’environnement, de social et de gouvernance (respect des actionnaires minoritaires, rémunération cadrée des dirigeants, etc.). Nous ne plaçons pas d’argent dans les industries fossiles, les mines et les métaux qui présentent trop de risques environnementaux. Autre critère essentiel: les entreprises choisies doivent créer de l’emploi en France pour être en cohérence avec ce que l’on fait sur la partie solidaire. C’est le critère le plus dur à vérifier, mais le plus simple à comprendre: nous voulons nous assurer qu’à trois ans, l’emploi sera a minima préservé ou, au mieux, augmenté, sinon l’entreprise sort de notre portefeuille. Nous n’investissons ni dans les secteurs où les plans sociaux sont permanents, ni dans aucune entreprise au management agressif. C’est un message qui parle à n’importe quel épargnant.
La poche solidaire du fonds (7 % de l’encours) est investie dans France Active Investissement, ou co-investie. Quand une structure de l’ESS lui demande un prêt, Mirova apporte le même montant. 110 prêts directs ont ainsi été accordés. Toutes les entreprises bénéficiaires sont accompagnées par France Active pendant toute la durée du financement (en moyenne 5 ans); c’est une garantie de la pérennité de la structure. »
Arrêt métier : Partenaires pour une insertion réussie
Depuis deux ans et demi, Jean-Marc Frangeul, conseiller F&P en Bretagne, poursuit le partenariat engagé par son prédécesseur avec Néo 56, premier groupement économique solidaire (GES) breton, investi dans l’insertion par l’activité économique tous azimuts. Le Groupe compte une dizaine de structures que les salariés découvrent tout au long de leur parcours d’insertion. Les ateliers de F&P s’insèrent dans ce parcours et participent de l’accompagnement renforcé pour un retour réussi à l’emploi.
UNE REPONSE TOTALE ET LOCALE
« Pour Néo 56, explique Jean-Marc Frangeul, l’insertion par l’activité économique s’imagine dans une démarche complète qui couvre tous les besoins d’une personne en insertion et propose une grande variété d’emplois »: de l’entretien des espaces verts pour le compte des intercommunalités voisines à la restauration ou au maraîchage bio. Le Groupe compte 57 permanents en ETP et entre 250 et 500 salariés en insertion suivant les saisons. Le parcours d’insertion dure de 4 mois à 2 ans durant lesquels les salariés vont passer dans plusieurs structures du groupe.
« Nous travaillons ainsi à une véritable complémentarité d’activités sur l’année, avec de multiples employeurs, pour répondre aux problématiques d’une activité saisonnière », explique Stéphane Tual, DG du groupe. Néo 56 a donc diversifié ses offres pour coller au mieux aux besoins d’un territoire côtier et touristique qui recourt massivement aux emplois saisonniers. Par exemple, pour répondre à la forte demande sur les métiers de la restauration, le groupe tient un restaurant d’insertion à Vannes et devrait bientôt ouvrir un second établissement à Séné. Pour répondre aux problématiques de mobilité, fondamentales pour la réinsertion professionnelle dans des régions peu desservies par les transports collectifs, le GES a ouvert une auto-école itinérante qui se déplace sur les lieux d’habitat des stagiaires et une agence de location solidaire.
Gérer au fil de l’eau, ce n’est pas maîtriser son budget. Prévoir est essentiel.
REVOIR LES FONDAMENTAUX
« L’idée de cette structure d’insertion par l’activité économique est bien de remettre à niveau les personnes accueillies sur les compétences de base, notamment budgétaires », rappelle Jean-Marc Frangeul. L’intervention de F&P vise donc à mieux maîtriser son budget et optimiser les relations avec sa banque. Deux à trois ateliers sont suivis par chaque groupe d’une douzaine de personnes. Le premier atelier s’appuie sur le Jeu du budget pour « mettre en confiance » des stagiaires très réticents et tester leur niveau de connaissance. Cette première phase permet d’aborder des questions diverses: découvert, agios, épargne, etc. « Je leur explique que gérer au fil de l’eau, ce n’est pas maîtriser son budget. Prévoir est essentiel. » Le deuxième atelier présente les outils nécessaires pour anticiper les dépenses et organiser la gestion de son budget. Le troisième porte sur la relation bancaire, le microcrédit, les frais bancaires, etc. « 100 % des stagiaires arrivent à reculons, avec des a priori très négatifs. Comme le premier atelier est obligatoire dans leur parcours d’insertion, ils y assistent. Au cours de l’atelier, les visages changent; les stagiaires sont ravis d’avoir appris tant de choses et ils reviennent avec plaisir en deuxième session! » Jean-Marc Frangeul assure ainsi une quinzaine d’interventions chaque année, dans diverses structures du groupe. À tel point que Néo 56 est devenu le principal partenaire de F&P sur le Morbihan.
Notre partenaire Stéphane Tual, directeur du Groupe Néo 56
Depuis 30 ans, Néo 56 a pour stratégie le retour à l’emploi en utilisant toutes les structures de proximité. Elle a multiplié les partenariats pour enrichir le parcours d’insertion, sollicite des chefs d’entreprise pour venir parler emploi et embauche, la CPAM, la MSA ou des associations locales pour les questions de santé, les CCSA et les offices HLM pour le logement, etc.
Comment avez-vous connu F&P?
Nos premiers contacts datent de 2012, et s’inscrivent dans le partenariat passé entre les Caisses d’Epargne et le Coorace (fédération nationale de structures de l’insertion par l’activité économique) dont Néo 56 est adhérent. L’offre de F&P sur la gestion du budget personnel nous a semblé appropriée. Nous l’avons testé dans un premier chantier d’insertion, il y a quatre ans. Avec succès. F&P présente cet avantage de savoir adapter ses interventions en fonction des présents, d’aborder les choses concrètes et sous une forme ludique ; le bouche-à-oreille a tôt fait de fonctionner. Les salariés sont très en demande, de même que les conseillers en insertion qui incluent les interventions de F&P comme étape du parcours. On peut parler d’un vrai partenariat gagnant-gagnant.
Qu’appréciez-vous?
Jean-Marc Frangeul dédramatise la relation à la banque que les stagiaires appréhendent particulièrement. Notre public est essentiellement composé de demandeurs d’emploi de longue durée, au RSA, avec un niveau de formation généralement faible. Tous ont connu des galères, notamment financières. Le conseiller F&P rappelle qu’il y a des règles et que c’est l’écart à la règle qui est sanctionné ; il recommande vivement de ne pas laisser pourrir la situation car être fiché à la Banque de France pour un découvert de quelques dizaines d’euros pourra avoir des conséquences graves dans la longue durée.
Actualités
Apprendre la Bourse: les lauréats européens récompensés à Paris
Après Stockholm, Luxembourg ou Berlin, c’est à Paris qu’a eu lieu la remise des prix du programme européen « Apprendre la bourse 2017 » le 16 mars dernier, à l’hôtel Boisgelin (rue Masseran). Les lauréats 2017 de la catégorie « élèves » des cinq pays européens co-organisateurs du concours (France, Italie, Suède, Allemagne et Luxembourg), ainsi que deux équipes lauréates du concours étudiants en France ont été distingués. La cérémonie a été l’occasion de sensibiliser les participants à la finance responsable et durable dont les enjeux ont été rappelés par Philippe Zaouati, directeur général de Mirova (cf. zoom et dossier à la une), en présence d’Edouard Fernandez-Bollo, secrétaire général de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et parrain de l’édition 2017, et de Florence Raineix, présidente de F&P.
« Apprendre la Bourse, ce n’est pas seulement faire progresser les connaissances en matière de marchés financiers à travers la gestion d’un portefeuille fictif de titres, c’est aussi faciliter la coopération entre les Européens, aider les écoles et les entreprises à travailler en partenariat, et préparer les nouvelles générations aux futurs challenges, notamment le développement durable et la culture entrepreneuriale », a expliqué Yves Hubert, président du conseil d’orientation et de surveillance de la Caisse d’Epargne Hauts de France.
En 2017, neuf antennes régionales de Finances & Pédagogie se sont investies dans un concours où s’affrontaient, en France, 314 équipes, soit environ 1500 jeunes. En Europe, 34957 équipes sont engagées, soit environ 180000 jeunes participants.
PiloteBudget: une nouvelle appli d’éducation budgétaire
Une dizaine de partenaires associatifs, publics et privés, dont F&P, ont développé une nouvelle appli pour mieux maîtriser son budget. Il suffit à l’utilisateur d’indiquer ses charges fixes (logement, transport, santé, impôts, assurances, etc.) pour que l’appli calcule le reste à vivre mensuel et hebdomadaire. L’appli permet également d’accéder à des sites ressources. Elle peut donc être téléchargée par des particuliers soucieux de leur budget, mais aussi par des travailleurs sociaux accompagnant des publics en situation de fragilité.
Appli téléchargeable sur Android et Apple Store
Semaine européenne de l’argent: Opération « J’invite un banquier dans ma classe »
À l’occasion de la Semaine européenne de l’argent, et pour la quatrième année consécutive, Finances & Pédagogie propose aux établissements scolaires de sensibiliser les jeunes de CM1 et de CM2 aux questions d’argent, dans le cadre d’un programme porté par la Fédération bancaire française. L’atelier, coanimé avec le professeur et fondé sur la pédagogie participative, a pour objectif de sensibiliser, en toute neutralité, à la notion de gestion de budget, d’informer sur les différents moyens de paiement, de réfléchir aux possibilités qui s’offrent à soi lors d’un achat, d’attirer l’attention sur la protection des données bancaires et de prévenir les risques liés aux achats en ligne et, enfin, de sensibiliser aux notions d’économie des ressources et de comprendre les écogestes. Près d’une centaine d’ateliers animés par F&P sont prévus.
F&P avec les experts sur France Bleu
Patrice Cros, directeur de F&P, était l’invité de l’émission « les Experts » sur France Bleu le 26 janvier dernier. Au programme de l’émission: « Financement des études des enfants ». Le 25 avril, il parlera des économies d’énergie
https://www.francebleu.fr/emissions/les-experts/107-1
Trophées de l’éducation financière de Finances & Pédagogie
Si vous souhaitez participer à cet événement, merci de nous contacter par mail à :
marie-veronique.bryon@finances-pedagogie.caisse-epargne.fr
Cette lettre d’information est élaborée grâce au soutien des Caisses d’Epargne
Association soutenue par les Caisses d’Epargne. 5, rue Masseran 75007 Paris. Tél. 0158404368. www.finances-pedagogie.fr
Directrice de la publication: Florence Raineix. Directeur de la rédaction: Patrice Cros. Rédaction et réalisation: La Pirogue (lapirogueparis.wordpress.com).
Illustration: Rachid Maraï. Ont collaboré à ce document: Marie-Véronique Bryon, Jean-Marc Frangeul (F&P).
Remerciements: Fabien Leonhardt (Mirova), Stéphane Tual (Néo 56). Flashage et impression: Imprimerie SB Graphic. ISSN 0981 9169.
Dépôt légal: avril 2018. Retrouvez-nous sur twitter: @Fin_Pedagogie